Un ancêtre joueur

bannière imprimer arbre généalogique - Généagraphe - un ancêtre joueur

Un ancêtre joueur

Quand nous avons ouvert l’album de photo de mes grand-parents paternels, force était de constater que du père de mon grand-père, on ne savait pas grand chose. Mon arrière-grand-père (Sosa 8*), Adrien Guillaume Ridel, né en 1872 à Rouen est mon ancêtre joueur.

Nous n’avions même pas de certitude sur une photo qui pourrait bien lui correspondre. C’était d’autant plus curieux que nous avions plusieurs photographies de son épouse, mon arrière-grand-mère et une autre de son propre père mais de lui, aucune photographie légendée.

Qui était donc Adrien ?

geneagraphe imprimer arbre genealogique un ancetre joueur RIDEL Louis
Louis RIDEL – père d’Adrien mon ancêtre joueur
geneagraphe imprimer arbre genealogique un ancetre joueur DELISLE Juliette
Juliette DELISLE – épouse d’Adrien RIDEL mon ancêtre joueur

On sait dans la famille, qu’il a possédé une grosse maison bourgeoise à Perruel dans l’Eure (le Château) et qu’il a perdu tout son héritage en jouant aux courses de chevaux. Il y a en effet à 25 km un hippodrome aux Andelys. Nous avons une photographie du château issu de l’album familial et la mémoire de mes tantes pour le retrouver. La maison existe toujours, un haut mur de brique ceinture la propriété. Je n’ai pas réussi à prendre une photographie même avec une tata de 80 ans qui me tenait et me poussait pour que je me maintienne en équilibre sur le mur !

geneagraphe imprimer arbre genealogique un ancetre joueur chateau perruel
Le château – Le Mesnil-Perruel

Cet homme a déménagé un nombre affolant de fois, je lui connais 11 adresses différentes en 59 ans. Nous sommes donc bien loin du modèle idéal d’ancêtre (du point de vue d’un généalogiste amateur) qui n’aurait pas changé de ville depuis sa naissance et ce jusqu’à sa mort et qui aurait épousé une femme de cette même paroisse.

Il n’est évidemment pas du modèle habituel rencontré dans mon arbre généalogique, des journaliers, vignerons et autres laboureurs à n’avoir jamais été plus loin que les limites de leurs terres de labeur.

Le livret de famille

Jusqu’à très récemment, on ne connaissait ni sa date de décès ni son lieu d’inhumation. En vrai, l’information était dans le livret de famille que j’ai récupéré dernièrement. C’est vraiment incroyable que mes tantes ne l’aient pas vu avant moi. C’est comme si tout faisait en sorte que le mystère de cet aïeul demeure. Elles pensaient même qu’il était décédé à Rouen ce qui m’a valu une grosse conjonctivite à m’user les yeux sur les pages et les pages des actes d’état civils en ligne, pour rien car c’est finalement dans l’Eure qu’il est mort.

geneagraphe imprimer arbre genealogique un ancetre joueur livret de famille
C’était écrit dessus !

La fiche matricule

Grâce à cette fiche matricule, j’ai eu la confirmation qu’il ne restait pas en place contrairement au modèle idéal de l’ancêtre casanier. Tous ses changements d’adresse ont été consignés pendant sa période de mobilisation.

Outre le fait qu’il ait participé à la Grande guerre et à défaut de photo d’identité, on y trouve sa description physique :

Cheveux et sourcils : châtains
Yeux : gris
Front : ordinaire
Nez : fort
Bouche : moyenne
Menton : pointu
Visage : ovale
Taille : 1,69 m (mon grand-père était petit ainsi que mon père et ses frères et sœurs)

geneagraphe imprimer arbre genealogique un ancetre joueur fiche matricule

Son itinéraire

I) Rouen (Seine-Maritime)

1872 ; naissance au 41, place du Vieux-Marché à Rouen. Il naît dans le café dont son père est le propriétaire. Ce café existe toujours aujourd’hui.

II) Rouen (Seine-Maritime)

1892 ; il habite chez ses parents : 43, rue des Carmes, il est garçon épicier ; fiche matricule. Cette adresse a été détruite lors des bombardements alliés en 1944.

1893 ; il habite : 6, rue du Vieux-Palais à Rouen, garçon épicier, au décès de son frère Albert. Cette adresse a été détruite lors des bombardements alliés en 1944.

III) Perruel (Eure)

1893 ; fiche matricule.
1896 ; recensement où il figure avec Alexandre Hulat, 29 ans, jardinier ; Albert Lahalle, 43 ans, domestique ; Maria Tinel épouse Lahalle, 44 ans, cuisinière. Adrien Ridel est lui recensé à 21 ans comme le chef de maison. Curieusement dans ce recensement, je ne trouve pas ses parents et je n’ai pas réussi à localiser l’adresse exacte. Les recensements se font par quartier et par numéro de maison et pas par adresse postale.

geneagraphe imprimer arbre genealogique un ancetre joueur recensement 1896 Perruel
1898  ; fiche matricule.
1899 ; mariage avec Juliette Delisle. Lui habite toujours à Perruel probablement dans le château avec ses parents et elle demeure dans un immeuble bourgeois au 1, rue des Petits pères à Paris dans le 2e arrondissement.

IV) Ry (Seine-Maritime)

1899 ; fiche matricule. Logiquement il quitte la demeure familiale pour s’installer à quelques kilomètres du château.
1900 ; naissance de son fils Marcel.
1901 ; naissance de son fils René.
1901 ; il est grainetier au décès de son père Louis Adrien (dit « P’tit Louis » parce qu’il était petit).

V) Perruel (Eure)

1902 ; naissance de sa fille Marguerite et fiche matricule. On comprend qu’il a dû hériter du château ou du moins il y rejoint sa mère avec femme et enfants.

VI) Darnétal (Seine-Maritime)

1903 ; 85, rue de Longpaon ; fiche matricule. Et là, il a du faire faillite car avec sa femme et ses trois enfants, il emménage dans une petite maison en bordure de route.

VII) Rouen (Seine-Maritime)

1904 ; 43, rue de Lessard ; fiche matricule.

VIII) Les Andelys (Eure)

1905 ; Grande rue ; Il est employé de commerce à la naissance de son fils Georges, mon grand père ; fiche matricule.

IX) Mantes-la-Ville (Yvelines)

1906 ; recensement avec son épouse Juliette ; fiche matricule.
1907 ; naissance/décès de sa fille Raymonde.
1910 ; naissance de sa fille Madeleine.

X) Rouen (Seine-Maritime)

1928 ; il est employé de commerce au mariage de son fils Georges mon grand-père et y habite au 21, avenue du Mont Riboudet.

XI) Bernay (Eure)

1931 ; décès ; livret de famille

La photo

Tout le monde s’accorde à dire qu’il ressemble vraiment beaucoup à mon grand-père et moi aussi pour l’avoir connu. Donc cet homme sur la photo est bien de la famille. La photographie a été prise par un photographe professionnel à Mantes. Assez rapidement, j’ai trouvé un Étienne Asselin photographe installé à Mantes-la-jolie, spécialisé dans les portraits « carte de visite ». Le problème c’est qu’il a cédé son atelier en 1891 et à cette date mon ancêtre joueur n’avait que 19 ans. Ce n’est donc pas le portrait d’Adrien Guillaume Ridel mon bisaïeul. Le mystère de mon arrière-grand-père, mon ancêtre joueur, reste donc entier !

geneagraphe imprimer arbre genealogique un ancetre joueur la photo

Mes tantes ont finalement retrouvé une photo de lui et de son épouse, posant devant leur graineterie à Ry dans l’Eure. Est écrit sur le fronton les noms des trois associés : Goudemare, Ridel (mon AGP) et Delisle (mon AGM).

geneagraphe imprimer arbre genealogique un ancetre joueur graineterie a Ry

 


*La numérotation de Sosa-Stradonitz est une méthode de numérotation des individus utilisée en généalogie permettant d’identifier par un numéro unique chaque ancêtre dans une généalogie ascendante. Vous êtes le numéro 1, votre père le 2, votre mère le 3, les grand-parents 4,5,6,7, etc.


Lien vers le recensement de 1896 à Le Mesnil – Perruel

Lien vers la fiche matricule

Lien vers mon arbre généalogique

De père et de mère inconnus

bannière imprimer arbre généalogique - geneagraphe - père et mère inconnus - acte de naissance

Père et mère inconnus.

Cette mention fait froid dans le dos.

La première fois que j’ai eu affaire à la mention « de père et de mère inconnus » c’est avec Sophie LÉONIE (Sosa 53) la grand-mère de mon arrière-grand-mère maternelle ça m’a vraiment attristé et je réalisais soudain qu’une branche complète de mon arbre généalogique disparaissait.

Elle a été trouvée exposée (sic) à la porte de l’Hospice général de Dieppe en Seine-Maritime le 14 avril 1821. Elle est probablement née quelques jours plutôt mais cette information et les raisons de son abandon sont définitivement perdues.

Est-elle le fruit d’une union adultérine ? Est-elle une bouche de trop à nourrir ? On ne le saura jamais.

imprimer arbre généalogique - geneagraphe - père et mère inconnus - acte de naissance

Toujours est-il que je suis resté perplexe devant le mot « Exposée » c’est le terme employé sur son acte de baptême. J’ai fait des  rapides recherches et j’ai découvert l’existence des tours d’abandon. Non pas une tour mais un tour comme un plateau tournant. D’ailleurs au Brésil et au Portugal on les appelle les « rodas dos expostos » (« roues pour les exposés »). L’autre hypothèse qui expliquerait l’utilisation de cet adjectif c’est qu’il permettait d’éviter au bébé l’exposition aux intempéries et aux aléas de la rue.

Les tours d’abandon

Vers 1800, plusieurs villes mettent en place des tours d’abandon. Il s’agit d’un guichet tournant installé dans la façade des hospices.  On déposait le nouveau né sur un plateau tournant puis on sonnait une cloche pour avertir le personnel de l’hospice.

imprimer arbre généalogique - geneagraphe - père et mère inconnus - tour d'abandon de rouen
Tour de l’Hospice général de Rouen – Par Velvet [GFDL (http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html)
En France, saint Vincent de Paul fait aménager le premier tour à Paris en 1638. Ils sont légalisés par un décret impérial du 19 janvier 1811  et à leur apogée ils étaient au nombre de 251 dans toute la France. On en trouvait dans les hôpitaux, dont l’Hôpital des Enfants-Trouvés de Paris. Un mouvement favorable à leur suppression se développe dans les années 1830. Le nombre d’enfants abandonnés se comptant en dizaines de milliers chaque année, les tours d’abandon sont fermés en 1863 et remplacés par des « bureaux d’admission » où les mères pouvaient laisser leurs enfants de manière anonyme tout en recevant des conseils. La loi du 27 juin 1904 abolit définitivement les tours d’abandon.

Une miraculée

Toujours est-il que mon aïeule Sophie LÉONIE est une miraculée car la mortalité enfantine des enfants abandonnés au début du xixe siècle est considérable. L’essor industriel contraint les ouvriers à un travail intensif et ce dès le plus jeune âge. La malnutrition et l’alcoolisme engendrent des enfants fragiles qui succomberont pour la plus part de méningite ou de tuberculose.

Elle eut finalement une vie assez brève, elle est décédée le 14 avril 1876 à Meulers en Seine-Maritime à l’âge de 51 ans. Elle s’est mariée à 23 ans avec Jacques Hippolyte FOURÉ (Sosa 52) et je lui ai trouvé sept enfants.

Qui aurait pu imaginer que 142 ans après sa mort quelqu’un penserait à elle ?

 

 

Un officier d’état civil zélé

bannière imprimer arbre généalogique officier d'état civil zélé

Un officier d’état civil zélé

Le jeune secrétaire de mairie de Colombiers, canton de Gorron département de la Mayenne (aujourd’hui Colombiers-du-Plessis) était un officier d’état civil zélé mais aussi un véritable héros.

Il s’agit de François Louis Gourdier né le 23 novembre 1811 à Colombiers et il a reconstitué de son écriture fine et lisible les tables des naissances et des mariages de sa commune sur plus de deux siècles.

Il explique en préface l’utilité de son registre :

« Propre à faire connaître la généalogie de chaque famille qui se sont reproduite en cette commune. ».

Un brin littéraire, il précise :

« L’expérience fait connaître,
Que l’attention fait naître,
Par l’homme un tel ouvrage,
Qu’on ne peut consulter,
Sans y rendre hommage,
L’auteur sans si tromper,
Dit qu’il est difficile d’apprécier
Le
prix qu’il devrait en retirer. »

Généagraphe - officier d'état civil zélé 01

Il ajoute enfin un peu plus loin avec une inquiétude vive :

« Je prie avec insistance ceux qui vivront quand j’aurai fini mes jours,
particulièrement mes proches parents, de vouloir bien faire bonne
garde, de cet ouvrage, qui devra leur rappeler le souvenir de mon
existence et s’il est possible de continuer, ce que j’ai commencé, ce
qui sera toujours utile à la société, par cette raison, je ne
saurai trop en recommander la conservation. »

Généagraphe - officier d'état civil zélé 02

Et il sera entendu, ses tables nous sont parvenues au delà de sa mort qui survint en 1867 à l’âge de 55 ans. Il aura été entretemps maire de Colombiers pendant 19 années. Ironie de l’histoire, il mourra célibataire sans descendance.

Les tables qu’il a reconstituées concernent les naissances de 1615 à 1860 et les mariages de 1625 à 1860.

François Louis Gourdier a fait un travail monumental. Sans doute le travail d’un officier d‘état civil très zélé qui stoïquement note que : « Pendant l’effervescence de la Révolution, les registres de l’état civil furent tenus d’une manière peu régulière. ».

Il a recherché alors tous les registres tenus clandestinement par « les prêtres qui pendant ce temps là se cachaient. ». Il s’inquiète enfin des erreurs qu’il aurait pu commettre en raison d’une mauvaise traduction des actes d’état civil tenus en latin.

imprimer arbre généalogique geneagraphe officier d'état civil zélé signature

Dans sa signature, il imbrique sa date de naissance pour qu’on ne le confonde sans doute pas avec un autre Gourdier ou plus certainement pour que l’on n’attribue pas son énorme travail de recherche, de traduction et de compilation à un autre.

Qu’il en soit remercié infiniment.

Malheureusement, je n’ai pas encore trouvé de cousinage avec lui alors que mes Gourdier à moi sont de Saint-Denis-des-Gatines à seulement 10 km de Colombiers-du-Plessis. C’est en cherchant d’autres ancêtres que je suis tombé sur cette préface extraordinaire.


La cote de ce registre : E dépôt 52/E44 – (Tables des N. 1615-1860, M. 1625-1860) – Colombier-du-Plessis – 3/265